Vous voulez connaître les chronos des prochains jeux Olympiques, qui débuteront le 27 juillet prochain à Londres ? Lâchez L’Équipe, et précipitez-vous sur la revue PLoS ONE. Filippo Radicchi, de l’université Rovira i Virgil de Tarragone (Espagne), y prédit les performances que réaliseront les médaillés d’or dans plus de cinquante disciplines, du 100 mètres au lancer de poids en passant par le relais 4 nages et le marathon. Le physicien fonde ses calculs sur les résultats des vingt-six premières Olympiades d’été : les progrès des performances auréolées d’or suivent une loi normale pour tendre vers une valeur indépassable. Ou quand la devise olympique Citius, Altius, Fortius percute le mur de la réalité statistique…

Une abondante littérature scientifique a décortiqué les statistiques sportives (voir par exemple Les physiciens de la NBA), et a à son tour alimenté d’autres études relatives à la physiologie des athlètes. À partir des temps obtenus en athlétisme au cours de l’année 1987, François Péronnet et Guy Thibault, deux chercheurs québécois, ont ainsi développé un modèle qui, à partir d’un nombre restreint de paramètres physiques (comme la puissance aérobie maximale ou l’endurance), permet d’estimer les performances limites des sprinteurs et autres coureurs de fond. D’après eux, le chrono d’un marathonien ne descendra jamais en dessous de 1 h 48 min 25, bien loin du record du monde aujourd’hui établi à 2 h 03 min 38.

Filippo Radicchi s’est concentré sur les performances obtenues aux jeux Olympiques dans 55 disciplines, en course à pied, natation, saut (à la perche ou en longueur) ou lancer ; il a étudié non pas l’évolution des résultats absolus mais les progrès relatifs enregistrés entre deux Olympiades pour décrocher la médaille d’or. Rapporté à une valeur asymptotique supposée, notée p, vers laquelle tendraient les performances dans une épreuve, ce progrès relatif aboutit à une valeur ξ2012 = (p2008 – p2012)/(p2008 – p), calculé ici entre les JO de 2008 et de 2012. Le physicien italien a montré que ces valeurs ξi sont distribuées selon une loi normale, bien connue en physique statistique.

Le paradis des bookmakers


Quel temps pour remporter la médaille d’or aux 400 mètres hommes ? 43,62 s au JO de Londres, deux secondes de plus que la performance maximale estimée (41,62 s) mais quelques centièmes de mieux que les 43,75 s qui ont valu à LaShawn Merritt sa médaille d’or à Pékin (en pointillés).

En faisant varier p pour faire coïncider au mieux les séries statistiques ξi avec des lois normales, le physicien a ainsi pu prédire les valeurs limites des performances sportives de chacune de ces disciplines. En se limitant à la course à pied, Filippo Radicchi retrouve ainsi une loi établie en 1998 par J. Sylvan Katz et Leon Katz qui indique que le chrono dune course est reliée à la distance parcourue par une loi de puissance. Ainsi, lorsque les athlètes auront atteint leurs performances maximales, cette loi s’écrira exactement temps ∝ longueur1,1.

Cette loi statistique peut s’appliquer avant que les performances limites soient atteintes, et par exemple aux prochaines Olympiades. Le progrès relatif des athlètes entre Pékin et Londres suivant une loi normale, on peut estimer les performances réalisées ces prochaines semaines à partir de celles des médaillés de 2008. Ainsi, Filippo Radicchi prédit que le 100 mètres sera adjugé autour de 9,63 s (soit 6 centièmes de moins que le chrono du vainqueur de Pékin, Usain Bolt) ou que le 100 mètres nage libre se terminera en 47,00 s, contre 47,21 s pour Alain Bernard, médaillé d’or il y a quatre ans. Et le chouchou des bookmakers de continuer sur sa lancée : « Il a de bonnes chances (plus de 70 %) que le record du monde du 1500 mètres nage libre soit battu chez les hommes » aux JO de Londres.

En poursuivant ce genre de calculs, il est possible de prédire les temps réalisés au cours des prochaines décennies. Le chrono du 400 mètres devrait ainsi descendre progressivement pour atteindre 41,62 s, mais la barre des 43 secondes ne serait pas franchie avant 2030, à peu près au moment où les hommes courront le marathon en moins de deux heures. Ce qui ne nous dispensera pas de passer nos étés avachis dans nos canapés, à regarder les athlètes suer pour notre plaisir, même légèrement défloré.

Source : F. Radicchi, Universality, Limits and Predictability of Gold-Medal Performances at the Olympic Games, PLoS ONE, 12 juillet 2012.

Crédit photo : Marco Paköeningrat – Flickr (CC BY-SA 2.0).