Aujourd’hui, il reste toujours moins coûteux de brûler des carburants fossiles que de raccorder sa prise à un panneau photovoltaïque. Les énergies renouvelables se confrontent à cet argument financier et doivent, pour prendre leur envol, résoudre une série de défis technologiques visant à les rendre plus économiques. Des chercheurs de l’université d’État de Californie à Northridge (États-Unis) viennent de franchir une marche supplémentaire en vue de diminuer le coût de revient de l’énergie solaire : ils ont conçu un prototype de cellule photovoltaïque n’utilisant aucun métal rare, mais constitué de simples nanotubes de carbone.
Revenons un instant sur le principe de l’énergie solaire. L’objectif est de transformer l’énergie lumineuse en énergie électrique, c’est-à-dire d’engendrer, à partir des photons, une circulation d’électrons. Pour cela, les cellules photovoltaïques utilisent des matériaux semi-conducteurs : l’énergie apportée par un photon arrache un électron, qui forme alors un “trou” dans la structure du matériau. En induisant un mouvement opposé des électrons et des “trous” pour éviter qu’ils ne se recombinent, une différence de potentiel apparaît (c’est-à-dire une tension électrique), comme entre les deux bornes d’une pile. Alors que la première génération de cellules photovoltaïques utilisaient des semi-conducteurs inorganiques, tels le silicium, qui sont coûteux à extraire, les chimistes ont développé depuis une vingtaine d’années une seconde génération de cellules fabriquées à partir de matériaux organiques. Ils ont synthétisé une série de colorants assurant la photoconversion des photons en électrons et ainsi donné naissance aux cellules à pigment photosensible, dites cellules Grätzel du nom de leur concepteur. Ces cellules font toutefois face à certains problèmes : la faible durée de vie des colorants et l’utilisation d’électrodes métalliques, notamment en indium, une terre rare dont les ressources sont limitées.
L’alternative carbone
Les chercheurs californiens ont remplacé l’électrode assurant la photoconversion, constituée habituellement du colorant organique et d’un oxyde d’indium, par un empilement de nanotubes de carbone dont les propriétés semi-conductrices reposent sur un arrangement particulier des atomes de carbone. Les nanotubes de carbones, inertes chimiquement, ont une durée de vie beaucoup plus longues que les colorants. L’électrode est obtenue en vaporisant un mélange de nanotubes sur une lame de verre, ce que les chimistes nomment un buckypaper (en l’honneur de Richard Buckminster Fuller, qui a également nommé son nom au fullerène). La seconde électrode, d’ordinaire en platine, est soit un autre buckypaper soit une feuille de graphite. Entre les deux, un électrolyte boucle le circuit électrique : la réaction rédox 3I– ↔ I3– + 2e– qui y a lieu assure la production des électrons circulant dans les électrodes, garantissant ainsi leur connexion.
Plusieurs prototypes ont été testés au printemps 2011 sur le campus de l’université californienne, en faisant varier différents paramètres des cellules, comme la nature des électrodes, l’épaisseur d’électrolyte, etc. Les premiers essais aboutissent au mieux à un rendement de l’ordre de… 0,002 %, ce qui reste très faible. Les chercheurs espèrent toutefois parvenir à convertir 5 % de l’énergie solaire en électricité grâce à ce nouveau procédé 100 % carbone, en modifiant les dimensions de la cellule et la composition des électrodes en nanotubes de carbone. Couplées à d’autres stratégies, comme l’organisation en 3D des cellules photovoltaïques pour récolter davantage de lumière, l’énergie solaire parviendra peut-être à devenir bientôt suffisamment rentable et supplanter alors les énergies fossiles.
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Source : C. Klinger et al., Carbon Nanotube Solar Cells, PLoS ONE, 24 mai 2012.
Crédit photo : Michael Ströck – Wikimedia Commons (CC-BY-SA-3.0).