C’est en s’inspirant d’un jeu traditionnel de certaines régions chinoises que Yong Qin et ses collègues de l’université de Lanzhou (Chine) ont mis au point un petit robot d’un genre nouveau : dépourvue de roues mais hérissée de “poils”, la petite machine est capable de se mouvoir le long de tuyaux sous l’effet de sa seule vibration.

L’idée originale des ingénieurs chinois vient de la sétaire verte (Setaria viridis), une graminée fréquente sur les bords de chemins en France comme dans toutes les régions tempérées, et objet d’un jeu apprécié par les petits Chinois des champs. Le principe est simple : tendus entre deux bâtons, deux fils de coton servent de support à deux épis de sétaire (on parle plus exactement de panicules dans le cas des graminées) disposés aux deux extrémités de la piste de jeu. Chaque concurrent fait alors avancer sa panicule le long du fil en faisant vibrer celui-ci, le but étant qu’elle reste en place au moment où les deux bolides végétaux vont se percuter à mi-parcours (le jeu vous paraîtra plus clair avec cette démonstration en images). Comment la panicule avance ? Grâce à ses fines soies, longues de 6 à 10 mm, qui sont en contact avec la surface rugueuse du fil de coton : élastiques, les soies se déforment sous l’effet de la vibration et, en se relâchant, sautent un peu plus loin le long du fil. Ce déplacement a été mis en équation, en tenant compte des propriétés élastiques de la soie et de l’angle qu’elle forme avec le fil.

La bionique, c’est fantastique !

Le mécanisme de propulsion de la sétaire a inspiré le design d’un petit robot hérissé de poils en plastique recouvrant un moteur vibrant.

Les ingénieurs chinois ont alors conçu un petit robot mimant le déplacement saltatoire de la panicule de la sétaire. Ils ont fabriqué un tube plastique couvert de longs “poils” souples et ont placé à l’intérieur un moteur électrique vibrant. Ainsi, au lieu de faire osciller le support sur lequel est posé le robot, c’est le véhicule lui-même qui fournit l’énergie, la vibration locale suffisant en réalité à déformer les poils. Ainsi propulsé, le petit robot mesurant à peine 2 cm a été testé dans différentes situations : il a réussi à se mouvoir le long d’une rigole horizontale, d’une arène circulaire et enfin d’un tuyau vertical, en se déplaçant jusqu’à une dizaine de centimètres par seconde.

Yong Qin et ses compères envisagent de nombreuses applications pour ce robot capable de se faufiler grâce à ses poils flexibles dans les canalisations, quelle que soit leur orientation : opérations de secours dans des ruines, reconnaissance militaire et même inspection de coque de vaisseaux spatiaux ! Le robot pourrait même être miniaturisé pour des applications en micro-électronique (les fameux MEMS) ou en médecine, pour amener le médicament au bon endroit le long des vaisseaux sanguins. Un bel exemple de bionique, où un jeu issu des campagnes chinoises pourrait s’exporter jusque dans les laboratoires pharmaceutiques !

D’autres inventions bioniques : Un robot imite les acrobaties du gecko et Un robot-cafard ailé.

Source : S. Bai et al., Vibration driven vehicle inspired from grass spike, Scientific Reports, 16 mai 2013.

Crédit photo : SimonQ錫濛譙 – Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).