Citius, Altius, Fortius, plus vite, plus haut, plus fort. C’est sans doute inspirés de cette devise olympique que trois biologistes – Manuel Théry (CEA), Ana-Maria Lennon-Duménil et Matthieu Piel (Institut Curie) – organisent cette année, pour la première fois, une compétition inhabituelle : une course de cellules !
La World Cell Race verra s’affronter différents types cellulaires qui devront parcourir en un temps record une distance de 100 microns (environ le diamètre d’un de vos cheveux) sur la piste homologuée par les organisateurs. Chaque site de la compétition, qui se déroulera cet été en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, aux États-Unis et à Singapour, est doté du même revêtement de surface ; les conditions climatiques, ou plutôt les paramètres de culture des cellules, seront également identiques. Quant aux cellules concurrentes, elles seront soumises au même régime alimentaire, afin de parer à tout risque de dopage ! En revanche, les modifications génétiques sont permises, et même encouragées, afin d’améliorer les performances des sprinteurs. Si vous souhaitez participer à cette course d’un genre nouveau, il vous reste quelques jours avant la clôture des inscriptions le 30 juin ; les lauréats seront récompensés lors de la réunion annuelle de la Société Américaine de Biologie Cellulaire en décembre 2011 à Denver (Colorado).
Comment une cellule se déplace, si possible rapidement ? Comment fait-elle pour avancer sagement dans son couloir ? Au-delà de l’aspect ludique de la compétition, l’objectif de cette compétition est de répondre à ces interrogations, afin de mieux comprendre les mécanismes de la migration cellulaire, sur laquelle les biophysiciens travaillent depuis plusieurs dizaines d’années.
Plusieurs questions restent en débat : comment le lamellipode se forme et se déforme sous l’action du réseau d’actine ? Quelle interaction entre les intégrines, responsables de l’adhésion sur la fibronectine, et l’actine, qui déforme la pointe du lamellipode ? Comment la cellule réagit à la suite de la formation du lamellipode et parvient à se déplacer dans son ensemble ? La confrontation des cellules concurrentes ouvrira une discussion sur les différentes hypothèses sur la manière dont la cellule exerce une force et se propulse le long de son couloir. Chacune de ces hypothèses s’appuie sur des gènes spécifiques, qui codent chacun pour une protéine : les modifications génétiques effectuées sur les cellules concurrentes mettent en avant le rôle particulier de ces gènes et des protéines associées, soit en les “effaçant” du code génétique de la cellule, soit au contraire en augmentant la concentration des protéines pour en renforcer l’activité.
Des réponses amélioreraient notre compréhension du phénomène de migration cellulaire. Celui-ci joue un rôle prépondérant dans la vascularisation des tumeurs, où des cellules endothéliales migrent pour former des micro-vaisseaux irriguant la masse cancéreuse. Il participe également à la prolifération des métastases : une cellule cancéreuse peut s’échapper d’une tumeur, migrer dans l’organisme et développer une autre métastase en un second point. Une voie thérapeutique prometteuse consiste donc à bloquer les capacités migratoires des cellules cancéreuses comme des cellules des vaisseaux, en ciblant l’une des protéines responsables de la migration.
Crédits photo : Timothée Vignaud (CEA, Grenoble)
Crédits vidéo : CYTOO (microscope Eclipse Ti Nikon).