Le bon roi Henri pensait que c’était un os… pas chez l’homme en tout cas ! D’autres mammifères possèdent eux un os dans leur pénis. Cet os pénien, appelé baculum, est présent chez de nombreuses espèces de primates, de chauves-souris ou encore de rongeurs, avec une grande diversité de forme et de taille, le morse (Odobenus rosmarus) battant tous les records avec un baculum pouvant atteindre 60 centimètres ! Au-delà de l’intérêt presque esthétique pour cette “extravagance génitale », des zoologistes britanniques emmenés par la spécialiste Paula Stockley, de l’université de Liverpool (Royaume-Uni), se sont interrogés sur le pourquoi de cette extrême variabilité de l’os pénien, en se concentrant (pour des raisons pratiques) sur le cas de la souris grise (Mus musculus). Conclusion : plus l’os pénien d’une souris mâle est gros, plus celui-ci a de chances de féconder une femelle et de donner naissance à de nombreux souriceaux. Ou quand Darwin rejoint Freud, du moins dans l’univers des petites souris…
Pour leur expérience, les chercheurs liverpudliens ont placé plusieurs souris mâles et femelles dans un enclos empli d’herbe pendant trois à quatre mois, le temps pour les femelles de mettre bas jusqu’à trois portées (la période de gestation étant de 19 à 21 jours et le sevrage durant environ quatre semaines). Petite particularité de la souris : une femelle peut mettre bas simultanément à des souriceaux descendants de différents pères. Ainsi, la compétition sexuelle entre les mâles se poursuit une fois le(s) coït(s) terminé(s) pour que le sperme féconde une ovule. À l’issue de l’expérience, les chercheurs ont récupéré les centaines de souriceaux nés pour déterminer par génotypage l’identité de leur géniteur. Là où certains mâles n’ont donné naissance à aucun petit, les plus performants ont transmis leurs gènes à 27 petites souris. Quels critères permettent de distinguer les mâles les plus féconds ?
L’os de la concorde
D’après les observations des zoologistes britanniques, le nombre de petits engendrés par un mâle placé en concurrence avec d’autres congénères est corrélé à sa masse corporelle, à la masse de ses testicules et de ses vésicules séminales (des glandes secondaires du système reproducteur), mais avant tout aux dimensions de son os pénien. Plus que la longueur du baculum (qui a une forme de poire), il semble que sa largeur (prise à son sommet, à l’extrémité du pénis) soit le paramètre crucial dans le succès reproducteur de la souris. La largueur du baculum est ainsi un facteur prédictif indépendant de tous les autres du nombre total de souriceaux engendrés au cours de l’expérience, mais également du nombre moyen de souriceaux qui lui sont affiliés dans chaque portée.
Ainsi, il n’y a pas que chez l’homme que la taille du pénis importe au moment du choix d’un géniteur (comme l’a montré une récente étude) : les souris sont aussi sensibles aux dimensions des attributs masculins. Pourquoi ? Selon Paula Stockley et ses collègues, “l’explication la plus plausible est qu’un baculum plus large accroît la stimulation de l’appareil reproducteur féminin ». Cette stimulation pourrait enclencher des mécanismes neuroendocriniens complexes qui vont faciliter le transport du sperme et favoriser la fécondation effective de la femelle. La sélection sexuelle (aussi appelée “lutte pour la reproduction”), l’un des deux mécanismes de la sélection naturelle darwinienne, qui intervient ici après la copulation et non avant (dans l’étape de séduction), serait donc liée à la diversité étonnante de la morphologie des os péniens.
Source : P. Stockley et al., Baculum morphology predicts reproductive success of male house mice under sexual selection, BMC Biology, 26 juin 2013.
Crédit photo : César Augusto Serna Sz – Flickr (CC BY-NC-ND 2.0) ; W.H. Burt – Misc Publ Mus Zool. 1960,113:1-75.