Des travaux menés au Japon laissent présager une piste prometteuse dans le traitement de la perte auditive neurosensorielle. Cette forme de surdité est due à la dégradation d’un type particulier de cellules constituant l’oreille interne, les cellules ciliées : ces cellules transcodent les vibrations sonores en impulsions électriques, qui se propagent le long des réseaux neuronaux pour être ensuite traitées au niveau du cerveau. Aujourd’hui, seule la pose d’implants cochléaires permet de pallier leur détérioration : un microphone externe enregistre les sons, les transforme en signaux électriques qui viennent stimuler directement les terminaisons nerveuses de l’oreille interne grâce à des électrodes positionnées au niveau de la rampe tympanique. Dans une approche de bio-ingénierie, les chercheurs japonais ont envisagé la “régénération technologique des cellules ciliées”. Comment ?

En utilisant un matériau piézoélectrique (découvert par Pierre Curie et son frère Jacques en 1880), dont la principale propriété est de produire un signal électrique en réponse à une contrainte mécanique. Ainsi, une variation de la pression environnementale due à la propagation d’un son va engendrer une impulsion électrique, tout comme le fait une cellule ciliée saine. Le principe d’un tel matériau a été validé sur des cochons d’Inde dont les cellules ciliées ont été préalablement détériorées par injection de kanamycine et d’acide éthacrynique. En réponse à un signal sonore externe, la membrane piézoélectrique engendre un signal électrique ; une fois amplifiée, celui-ci excite des électrodes placées au niveau des neurones auditifs primaires, où il induit une réponse normale du tronc cérébral. Le matériau piézoélectrique est donc un substitut efficace des cellules ciliées. Progrès de taille : cette stimulation des neurones auditifs ne nécessite pas d’alimentation électrique autonome, comme c’est le cas pour un implant cochléaire !

Une membrane entre le son et le cerveau

Une membrane piézoélectrique reliée par des électrodes aux neurones auditifs d’un cochon d’Inde produit un courant électrique capable d’induire une réponse cérébrale normale à un son.

Ce dispositif a pu être implanté directement chez un cochon d’Inde, au niveau de la membrane basilaire, partie de la cochlée tapissée de cellules ciliées. Lorsqu’un son arrive près de l’oreille, il se propage dans le canal auditif et vient faire vibrer cette membrane basilaire : le matériau piézoélectrique va alors vibrer en phase avec la membrane biologique, et traduire ces oscillations en impulsions électriques, remplaçant ainsi les cellules ciliées défectueuses. Testé sur un modèle ex vivo de l’os temporal du cochon d’Inde, ce dispositif micro-électromécanique ne permet pas toutefois de produire des signaux électriques suffisamment intenses pour stimuler les neurones auditifs et engendrer une réponse cérébrale adéquate.

Des progrès restent à accomplir, notamment sur le positionnement des électrodes et la réponse du matériau piézoélectrique. Attention toutefois à ne pas se réjouir trop vite, comme nous le rappellent les auteurs de cette étude, car si “ces résultats posent les principes fondamentaux pour le développement de prothèses auditives utilisant des matériaux piézoélectriques, il reste de nombreux problèmes à résoudre avant d’envisager des applications pratiques.”

Article publié pour la revue Audiology infos.
Source : T. Inaoka et al., Piezoelectric materials mimic the function of the cochlear sensory epithelium, PNAS, 24 octobre 2011.

Crédits photo : Wellcome Images (CC BY-NC-ND 2.0).