James Bond a beau être un agent secret de premier plan, il n’en reste pas moins un homme sensible, tombant bien souvent sous le charme de belles femmes, parfois à ses dépens. Cette péripétie n’est pas qu’une astuce de scénariste en mal de rebondissements (et de belles plastiques à mettre à l’écran) : plusieurs études de psychologie expérimentale ont montré que, face à une femme séduisante, un homme avait tendance à baisser la garde et à se comporter avec moins de prudence. Heureusement, les représentants de la gent masculine pourraient bientôt se ressaisir grâce à une potion magique, ou plus exactement, un antibiotique qui aurait le pouvoir d’annuler l’effet envoûtant d’un beau visage.
Une équipe japonaise menée par Motoki Watabe et Takahiro Tako a sélectionné 98 étudiants de l’université de Kyūshū pour un jeu d’économie expérimentale, appelé jeu de confiance. Le principe est le suivant : deux joueurs reçoivent une certaine somme (ici 1 300 yens, soit environ 10 €), l’homme doit alors choisir la somme qu’il souhaite envoyer à l’autre joueur, une femme en l’occurrence. Celle-ci reçoit alors un multiple du montant envoyé (trois fois dans le cas présent) et décide si elle partage ce montant avec sa comparse (attitude coopérative) ou si elle garde tout pour elle (stratégie qualifiée de trahison par les auteurs). Variante du jeu du dictateur, ce jeu évalue la confiance que le “cobaye” attribue à son partenaire : il lui donne de l’argent, mais au risque de tout perdre. Dans cette expérience, l’étudiant ne dispose que d’une photo pour décider s’il peut se fier à l’autre personne. L’expérience est reproduite avec huit étudiantes, choisies par les chercheurs nippons pour leur goût de la trahison (elles décident de garder tout l’argent pour elles). Les étudiants ne savent pas que l’issue de l’expérience est écrite par avance – ils vont se faire plumer – ce qui permet d’observer s’ils vont placer leur confiance en une femme en se basant sur leur seule apparence physique.
Le charme féminin, une bactérie infectieuse ?
À côté de ce jeu, les participants ont en effet évalué la beauté des femmes, sur une échelle de 0 à 10. Il apparaît ainsi que les hommes font plus confiance aux femmes jugées séduisantes, leur octroyant (en pure perte) plus des deux-tiers de leur cagnotte, contre moins de la moitié pour les autres, moins attirantes. C’est là qu’intervient la minocycline, un antibiotique habituellement prescrit pour lutter contre certaines infections bactériennes. Une partie des étudiants a, préalablement au jeu, suivi un court traitement à base de cet antibiotique. Et, comme s’y attendaient les chercheurs, ceux-ci ont perdu toute sympathie pour les jolies filles.
La minocycline est en effet connue pour améliorer certains symptômes psychiatriques comme la dépression ou la schizophrénie. Elle affecte également les décisions économiques et sociales, et en l’occurrence diminue ce que les psychologues appellent le honeytrap (le “piège à miel” en bon français), effaçant la présomption de moralité accordée aux jolies femmes. Cette preuve psychopharmacologique de l’action de la minocycline serait liée à une inactivation de la microglie, une partie du système nerveux central impliquée principalement dans la réponse immunitaire, mais aussi dans les comportements anxieux d’après des expériences menées en 2009 sur des souris. En mettant en sourdine la microglie, l’antibiotique pourrait rendre plus raisonnable les mâles et protéger au mieux leurs intérêts face aux tentatrices.
Source : M. Watabe et al., Minocycline, a microglial inhibitor, reduces ‘honey trap’ risk in human economic exchange, Scientific Reports, 18 avril 2013.
Crédit photo : Eugen de Blaas – Wikimedia Commons.