Des anthropologues britanniques se sont intéressés aux mécanismes qui accompagnent la diminution de la fécondité, un élément de la transition démographique. Quel compromis évolutif, ou trade-off, est le moteur de cette modification des comportements reproductifs humains ? L’hypothèse du groupe mené par David Lawson est, pour le dire en termes assez crus, qu’il existerait un compromis entre la “qualité” des enfants nés, c’est-à-dire leurs chances de survie, et leur quantité. Pour le vérifier et chiffrer ce compromis, ils ont analysé les données démographiques enregistrées dans 27 pays d’Afrique subsaharienne entre 2003 et 2008. Pour chaque pays, du Bénin au Rwanda en passant par le Cameroun et le Mozambique, les chercheurs ont observé les relations entre le nombre d’aînés dans la fratrie et les chances de survie du dernier né à cinq ans.
Les situations démographiques de ces pays sont assez disparates. Ainsi, le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans passe de 63 ‰ au Zimbabwe à 282 ‰ au Mali (des chiffres supérieurs à ceux donnés par la Banque mondiale en raison d’un échantillonnage différent). Les pays ne se situent pas tous au même point de la transition démographique : alors que le taux de fécondité au Mali est de 6,6 enfants par femme, il s’établit à 3,3 au Zimbabwe. Mais au-delà de ces moyennes nationales, les anthropologues se sont placés à l’échelle familiale, celle de la mère et de l’enfant qu’elle vient de mettre au monde, pour mesurer le rapport qui existe entre nombre d’enfants et taux de mortalité juvénile.
Un équilibre de natalité fragile
Cet effet dépend également du pays étudié : il est plus marqué au Lesotho (19 %) qu’au Tchad (11 %). Pour les chercheurs, cette différence doit être mis en regard du taux national de mortalité des enfants de moins de cinq ans (238 ‰ contre 99 ‰). Ainsi, “le compromis entre fécondité et survie de l’enfant est de plus grande amplitude dans les pays où la mortalité infantile est globalement plus faible“, précisent-ils. Ce compromis évolutif est donc également lié au contexte socio-écologique dans lequel évolue la cellule familiale : l’investissement social pour lutter contre les causes extrinsèques de la mortalité juvénile (les auteurs rappelant que deux-tiers des décès sont dus à des maladies infectieuses comme le paludisme, la pneumonie ou la diarrhée) favorise la réduction de la fécondité, qui modifie la structure de chaque famille.
Ce compromis entre forte fécondité et faible mortalité ne suffit toutefois pas à expliquer la limitation de la taille de la cellule familiale, comme les anthropologues l’ont montré en comparant les situations malienne et zimbabwéenne : si l’effet est plus marqué au Zimbabwe, la plus faible mortalité des enfants dans ce pays conduit toujours à des familles plus nombreuses. Pour les auteurs de l’étude, d’autres facteurs, comme “la compétition entre les enfants ayant survécu ou les coûts physiologiques masqués de la reproduction contraignent en fin de compte l’évolution de la taille de la famille“.
Source : D.W. Lawson et al., The life-history trade-off between fertility and child survival, Proceedings of the Royal Society B, 3 octobre 2012.
Crédit photo : Jeff Goldman – Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).