Comment restreindre les comportements à risque ? Ces derniers jours, le gouvernement australien a pris une décision radicale contre le tabagisme en imposant un emballage unique pour les paquets de cigarettes, désormais dépourvus de tout logo. Une équipe de psychologues de l’université de Bristol (Royaume-Uni) apporte une idée étonnante pour limiter à son tour la consommation d’alcool : changer la forme des verres ! Une expérience menée chez les étudiants de leur université indique en effet que la vitesse à laquelle ils boivent une bière est liée au profil de la chope.
Les chercheurs britanniques ont recruté 160 volontaires, âgés en moyenne de 23 ans, et qualifiés de buveurs modérés (entre 10 et 50 demis par semaine, tout de même…). Séparés en plusieurs groupes, ils ont été filmés en train de boire un verre tout en regardant non pas un match de foot, mais un documentaire animalier. Certains sirotaient une bière (française, provenant de Saint-Omer), d’autres une limonade 7-Up, servis dans des verres droits ou courbés, pleins ou à moitié remplis (soit 340 ou 170 mL). Les chercheurs ont mesuré le temps nécessaire pour vider le verre, ainsi que le nombre de gorgées et le temps séparant chacune d’elles.
“La forme, c’est le fond qui remonte à la surface.”
Conclusion : dans un verre courbé, la bière est bue bien plus rapidement que dans un verre droit, le buveur effectuant moins de gorgées, lesquelles sont plus rapprochées. Pour les psychologues bristoliens, cet effet de la forme du verre est lié à une différence dans le jugement perceptif du niveau correspondant à la moitié du verre : si les participants échouent dans tous les cas à identifier ce niveau médian, l’erreur est plus importante pour le verre courbé, où ce niveau est situé bien en-deçà de la réalité. Le buveur finit donc plus vite sa bière dans un verre courbé car il mésestime le milieu de la “course”.
Reste à comprendre pourquoi l’effet de la forme du verre sur le comportement du buveur disparaît lorsque le verre est rempli de limonade. Plusieurs hypothèses sont proposées : le jugement perceptif n’intervient pas dans la consommation de boissons non-alcoolisées, ou le verre courbé est associé dans l’esprit des participants à la bière (même si de nombreuses bières sont servies dans des verres droits). Si cette expérience doit encore être confirmée dans des contextes variés (plusieurs verres de suite, en groupe), et avec d’autres alcools que la bière, les auteurs de l’étude formulent une proposition étonnante à l’adresse des organismes de lutte contre l’alcoolisme : “La vitesse de consommation pourrait être réduite si les boissons alcoolisées étaient servies dans des verres présentant une marque visible indiquant la moitié du verre, permettant à chacun de jauger de façon correcte la vitesse à laquelle ils boivent.” Une sorte de dos d’âne sur la route de la soif.
Source : A.S. Attwood et al., Glass Shape Influences Consumption Rate for Alcoholic Beverages, PLoS ONE, 17 août 2012.
Crédit photo : SharonaGott – Flickr (CC BY 2.0).