Aujourd’hui, nous plongeons dans l’univers fabuleux de… la gastro-entérite, cette charmante infection causant nausées, vomissements et diarrhées. Une étude publiée dans le Lancet en 2013 indiquait le nombre astronomique de 1,7 milliard d’épisodes de diarrhées dans le monde en 2010 (dont 36 millions qualifiés de sévères)… chez les seuls enfants de moins de 5 ans ! Entraînant dans certains cas une forte déshydratation, les diarrhées sont ainsi à l’origine de la mort de 700 000 enfants chaque année. L’Organisation mondiale de la santé s’est fixée comme objectif de mettre fin aux décès évitables d’enfants par diarrhée d’ici 2025.

Qu’en est-il en France ? Pour le savoir, il faut se référer au réseau Sentinelles, qui suit depuis 1990 les épisodes de diarrhées aiguës (définies par au moins trois selles molles par jour) partout en France grâce à un réseau de 1300 généralistes et de 120 pédiatres libéraux. Cette surveillance permet de remonter chaque semaine une estimation du nombre de cas rapporté à la population. On observe ainsi une forte saisonnalité de la gastro, avec un pic hivernal dont l’ampleur a fortement diminué depuis 2009, sans explication claire à ce stade. Une étude publiée en 2012 à partir d’une enquête menée en 2009-2010 (au début de la décrue) a établi que chaque année la gastro-entérite touchait en moyenne un Français sur trois, et même trois-quarts des enfants de moins de 5 ans ! Et quand on sait que les parents inquiets ont consulté un médecin dans 40 % des cas, on constate que la gastro-entérite est bien un problème de santé publique, même en France. Et les enfants sont en première ligne.

Donne-moi tes selles, je te dirai qui y vit

Le rotavirus, responsable de la majorité des cas de gastro-entérites.

Mais la gastro-entérite, on l’attrape comment ? Dans plus de deux cas sur trois, c’est un virus est à l’origine des diarrhées. Les chercheurs ont identifié quatre familles responsables de l’inflammation du système digestif : les rotavirus, les norovirus, mais également les sapovirus et les adenovirus. Pour la première d’entre elles, il existe même un vaccin, qui ne fait pas toutefois partie des 11 vaccins obligatoires en France. C’est pour en savoir plus sur la propagation de ces virus chez les jeunes enfants qu’une équipe danoise dirigée par Karen A. Krogfelt, du Statens Serum Institut à Copenhague, a investi 36 crèches de la ville entre 2009 et 2012. Au total, 142 enfants, âgés de 11 mois à 6 ans et demi, ont fait don de leurs selles, dans lesquels les chercheurs sont partis à la recherche des quatre familles de virus causant la gastro-entérite. Originalité de l’étude : elle ne s’est pas limitée aux seuls enfants malades mais s’est intéressée aux selles de tous les enfants fréquentant les crèches, qu’ils présentent ou non des symptômes de gastro-entérite.

Conclusion : au moment d’intégrer l’étude, près de quatre enfants sur dix présentaient l’un des virus recherchés, un enfant étant même porteur des quatre familles de virus. Sur l’année qu’a duré l’étude, on a retrouvé l’un des virus recherchés chez plus de 60 % des enfants. Et dans deux cas sur trois, la présence de virus n’était pas associé à des symptômes de gastro-entérite dans les deux mois précédents. Si les virus semblent de façon générale plus présents pendant l’hiver, on les retrouve dans les selles des enfants tout au long de l’année (même si peu d’enfants sont porteurs de virus sur une longue période). Bref, les enfants sont de véritables réservoirs de virus sur pattes. De façon intéressante, la prise d’antibiotiques est associée à un risque accru de porter un adenovirus : les 20 % d’enfants traités ont 8 fois plus de risque de porter un adenovirus. Les chercheurs avancent comme hypothèse un impact du traitement antibiotique sur le microbiote intestinal, mais sans être affirmatif à ce sujet. Bref, les selles infantiles n’ont pas encore révélés tous leurs secrets, et les mesures d’hygiène prises par les puéricultrices danoises ne semblent pas suffisantes pour aseptiser la marmaille, véritable réservoir viral et déclencheur de diarrhées en puissance.

Source : B. Hebbelstrup Jensen, et al., Children Attending Day Care Centers are a Year-round Reservoir of Gastrointestinal Viruses, Scientific Reports, 1er mars 2019.

Crédit photo : Hebe Aguilera – Flickr (CC BY 2.0) ; CDC – Wikimedia Commons.