La récolte mondiale de riz s’est élevée à 730 millions de tonnes en 2012 d’après les dernières estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dépassant le record établi l’année précédente. Si cette augmentation de la production suit (en partie) la demande alimentaire (la consommation moyenne avoisinant les 57 kg par habitant !), elle ne manque pas d’entraîner concomitamment une hausse des coproduits, le riz asiatique (Oryza sativa) n’étant pas consommé dans son intégralité. Ainsi, les enveloppes des grains, appelées glumelles, représentent environ 120 millions de tonnes chaque année, et ces résidus restent peu exploités aujourd’hui. Des chercheurs de l’université Stanford (États-Unis) menés par Yi Cui proposent d’utiliser ce déchet végétal pour construire une nouvelle génération de batteries plus performantes et plus “vertes”. Un bel exemple de “recyclage” intelligent.
Aujourd’hui, la plupart des batteries lithium-ion, massivement utilisées pour les smartphones, contiennent des anodes en graphite. Pourtant, les ingénieurs portent de grands espoirs sur le silicium, qui permettrait de concevoir des anodes de plus grande capacité (la quantité de courant électrique que peut délivrer l’anode en un temps donné). Toutefois, les importantes variations de volume subies lors des cycles de charge-décharge de la batterie fragilisent ce matériau. C’est là qu’intervient le coproduit de la riziculture : les glumelles enveloppant les grains de riz se trouvent être riches en silicium, absorbé par la plante sous forme d’acide silicique Si(OH)4. Et ce silicium, qui représente environ 20 % de la masse des glumelles, est stocké autour des cellules végétales sous forme de nanoparticules de silice (SiO2), une structure qui pourrait améliorer la résistance mécanique des anodes. Reste à transformer ces particules naturelles de silice en silicium.
La chimie “verte” de la silice
Première étape : extraire la silice des glumelles. Pour cela, Yi Cui et ses collègues ont opté pour un traitement par chlorure d’hydrogène (HCl) suivi d’un chauffage à 700 °C, ce qui permet de conserver la structure des nanoparticules tout en éliminant efficacement la matière organique. La silice subit ensuite une réaction de réduction pour donner le silicium. Afin de réduire la température à laquelle s’effectue habituellement cette réaction (autour de 2 000 °C), ce qui dégraderait la structure nanométrique des particules, les chercheurs américains ont choisi une méthode plus douce, la magnésiothermie. L’utilisation du magnésium permet d’abaisser la température à 650 °C, mais se “paie” toutefois par un fort dégagement de chaleur qui contraint à mener la réaction dans un réacteur renforcé. À la fin de la réaction, le magnésium peut être recyclé par électrolyse, laquelle forme comme unique déchet du dichlore (Cl2). Pour les auteurs, “le procédé global, qui ne consomme que du chlorure d’hydrogène pour le convertir en dichlore après l’électrolyse, est vert“.
Ce procédé permet d’obtenir des particules de silice d’un diamètre moyen de 22 nm et d’une très grande pureté, les traces de différents métaux (magnésium, fer, calcium, sodium, etc.) représentant moins de 0,5 % de la masse totale. Leur structure poreuse, “héritée” des nanoparticules de silice extraites des glumelles, contribue à leur résistance mécanique pendant les variations de volume au cours des cycles de charge-décharge. Ainsi, après 100 cycles, les nanoparticules de silicium “vert” affichent toujours une capacité spécifique de 2 200 mAh/g, soit près de six fois la capacité théorique du graphite. Reste encore à passer à l’échelle industrielle, les chimistes américains s’étant limités à un “batch” de 1 g, obtenu à partir d’environ 100 g de glumelles…
Source : S. Bai et al., Rice husks as a sustainable source of nanostructured silicon for high performance Li-ion battery anodes, Scientific Reports, 29 mai 2013.
Crédit photo : Santo Chino – Flickr (CC BY-NC 2.0).