En 2013, La science infuse vous aura raconté 24 histoires de science, fruit d’une sélection difficile (et de contraintes d’agenda) car beaucoup d’autres scientifiques se sont une fois encore surpassés pour livrer des résultats étonnants. Voici un florilège des articles auxquels vous avez échappé cette année.

Des microbes aux requins : le bestiaire 2013

Sans doute le sujet que je regrette le plus d’avoir passé à la trappe : le caca de synthèse ! Celles et ceux qui me connaissent savent qu’un sujet me passionne : le microbiote intestinal, plus connu sous le nom de flore intestinale. Derrière ce vocable se cachent des milliards de bactéries qui pullulent dans notre tube digestif. Grâce à de nouveaux outils de génétique, les chercheurs ont pu commencer ces dernières années à décrire cet écosystème bactérien. Ils ont alors découvert son extrême diversité – à la fois en termes de nombre d’espèces présentes chez un même individu et de différences entre deux individus (les microbiotes se regroupent ainsi en trois entérotypes, équivalents aux groupes sanguins) – ainsi que son impact majeur sur le métabolisme de l’hôte. Cet exemple marquant de symbiose a d’ailleurs été reconnu comme l’une des dix découvertes majeures de l’année 2013 par le magazine américain Science. Si le microbiote influence l’état de santé de l’hôte, il est vite paru intéressant de modifier sa composition pour rétablir un bon équilibre avec l’hôte : c’est le principe de ce que les chercheurs appellent la transplantation fécale. Cette nouvelle thérapie consiste à échanger la flore intestinale “pathogène” d’un individu pour celle d’un donneur sain, récoltée à partir de ses selles. Problème : l’idée de se faire injecter le contenu du tube digestif d’un inconnu semble rebuter beaucoup de personnes, freinant de ce fait le développement de cette bactériothérapie d’un genre nouveau. Pour pallier cette difficulté, des chercheurs canadiens ont proposé de fabriquer un “substitut” de selle, regroupant 33 isolats bactériens récoltés initialement dans les excréments d’une donneuse saine âgée de 41 ans puis cultivés par la suite en laboratoire. Utilisé ici pour traiter une infection par la bactérie Clostridium difficile (qui cause des diarrhées nosocomiales), ce probiotique humain a été joliment baptisé par les auteurs RePOOPulate, car les bactéries d’origine fécale vont repeupler l’intestin du malade. Les essais se poursuivent, l’étude n’ayant pour l’heure inclus que deux patients : des volontaires ?

Toujours au rayon Petites bestioles, une étude insolite publiée dans le très sérieux PLoS ONE par des chercheurs de l’université de Californie à Berkeley (États-Unis) a montré que les souris atteintes de toxoplasmose, suite à une infection par le parasite Toxoplasma gondii, devenaient insensibles à l’odeur de l’urine de leur ennemi héréditaire, le chat, les poussant dans la gueule du prédateur. Continuons sur cette thématique des interactions étonnantes entre microbe et hôte : le choléra a laissé son empreinte sur le génome des Bengalis du delta du Gange, selon une étude américaine. En effet, la bactérie Vibrio cholerae, plus connue sous le nom de bacille virgule, ravage depuis de nombreuses années cette région du Bangladesh (comme nous en avions parlé dans un précédent article) : la coexistence avec le bacille apparaît ainsi comme une pression de sélection évolutive, faisant diverger le génome des personnes exposées au choléra par rapport à celui de populations épargnées. Cette pression sélective agit principalement selon les infectiologues sur des gènes liés à la résistance au choléra.

Dans la série #WTF, des biologistes de l’Argonne National Laboratory (États-Unis) relancent la mode du bebop en sollicitant… des microbes, péchés dans la Manche, au large de Plymouth (Royaume-Uni). Le projet Microbial Bebop consiste en effet à transformer différentes données biologiques (température, concentrations de certains ions ou encore abondance de certaines espèces microbiennes) en notes de musique. Ainsi, en suivant l’évolution de l’écosystème microbien dans le temps, les chercheurs ont pu écrire quatre mélodies. Peter Larsen et Jack Gilbert, auteurs de cet article publié en mars dernier, conçoivent la diversité des musiques ainsi produites comme une allégorie de la diversité des écosystèmes microbiens mis à mal par le dérèglement climatique. Pour eux, “la communauté scientifique a la possibilité, si ce n’est l’obligation, de trouver de nouvelles façons d’attirer le public vers les sciences écologiques“. Mission accomplie ? À vous de le dire…

Au cours de l’année 2013, les scientifiques se sont également intéressés aux plus grosses bébêtes. Une étude publiée dans la revue Scientific Reports a montré que les grands requins blancs, l’un des prédateurs les plus féroces du monde marin (et la star du film Les Dents de la mer), avaient un bien plus gros appétit qu’on le pensait jusqu’alors. À partir de la mesure de la vitesse d’un spécimen vivant au large de la côte sud de l’Australie, les zoologues ont estimé son métabolisme et ses besoins énergétiques, convertis en otarie/jour : un requin dévore ainsi un bébé otarie tous les trois jours pour subvenir à ses besoins ! Des chercheurs suisses ont montré que les crocodiliens, malgré leur peau épaisse recouverte d’écailles riches en kératine, sont des animaux à la sensibilité unique parmi les vertébrés : ils on en effet acquis au cours de l’évolution un réseau dense de micro-organes multi-sensoriels, leur permettant de détecter des stimuli mécaniques mais aussi des changements de température et de pH. Enfin, une collaboration américano-britannique a donné la clé pour donner naissance à un CGM, c’est-à-dire… un cochon génétiquement modifié (après les IGM).

À boire et à manger

Le chocolat a passionné les chercheurs cette année.

Les chercheurs se sont aussi intéressés à nos habitudes alimentaires. Une étude austro-allemande a montré que les personnes qui ont le vertige ne boivent pas plus d’alcool que les autres. Une enquête ayant concerné plus de 12 000 personnes indique que plus on mange de chocolat, plus on grossit : un message utile en cette période de fêtes ! Une autre bonne raison pour mettre le frein sur les truffes au chocolat : les souris qui mangent peu ont une meilleure mémoire, selon les travaux d’une équipe de biologistes de l’université de Rostock (Allemagne). Enfin, en cherchant des races de cacao dans des poteries mexicaines datant du préclassique récent (entre 400 avant notre ère et l’an 300), des chercheurs y ont trouvé des molécules produites par… le piment, suggérant que la nourriture mexicaine use (et abuse) depuis bien longtemps des épices. Enfin, mention spéciale à la revue Flavour qui décortique les facteurs influençant nos goûts alimentaires : le poids, la taille, la forme et la couleur de nos couverts modifieraient notre perception des aliments ; une autre étude révèle que la dégustation d’un verre de whisky est définitivement une expérience multisensorielle ; enfin, Charles Spence, de l’université d’Oxford (Royaume-Uni), tente de mettre d’accord les consommateurs de la barre chocolatée Dairy Milk et son fabricant, Cadbury, les premiers affirmant que le goût de leur sucrerie a changé depuis qu’elle adopte une forme plus arrondie quand le chocolatier jure que la recette n’a pas changé.

2013 a également été riche en études étonnantes sur le modèle familial. Des chercheurs de l’université Emory (États-Unis) suggèrent dans les très sérieux Comptes-rendus de l’Académie américaine des sciences que les hommes “sévèrement burnés”, comme dirait Nanard, seraient de moins bons pères, en tout cas moins attentifs aux besoins de leurs enfants, analyse de l’activité cérébrale à l’appui… Des biologistes s’interrogent : pourquoi, chez la plupart des espèces animales, les papas cocus s’occupent des enfants issus de l’adultère ? Enfin, une enquête canadienne suggère quant à elle que les enfants de parents divorcés fumeraient plus que les autres (tout comme ceux ayant subi des violences pendant leur enfance…).

Enfin, en vrac, quelques ultimes idées qui n’ont pas abouti à un post sur La science infuse :

  • une belle étude bibliométrique : comment la littérature anglo-saxonne a parlé de sentiments au cours du siècle dernier ? où l’on apprend que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les écrivains américains se montrent bien plus émotifs que leurs homologues britanniques ;
  • la loi de Snell-Descartes, déterminant la déviation d’un rayon lumineux au passage d’une interface entre deux milieux différents (on parle de réfraction), s’applique également… aux colonies de fourmis à la recherche de nourriture, selon l’expérience insolite mise en place par une équipe franco-allemande ;
  • vers un anti-moustique bio pour lutter contre le paludisme ? Des chercheurs américains ont isolé un champignon fatal pour les moustiques porteurs du parasite Plasmodium ;
  • a-t-on appris à se servir de nos mains avant nos pieds ? La réponse se situe dans les méandres de notre cerveau, d’après les travaux d’une équipe japonaise ;
  • l’étude qui fait froid dans le dos : dans près de 2 cas sur 5, l’assassin d’une femme est son conjoint, une proportion qui grimpe à 60 % en Asie du Sud-Est ;
  • quand les chercheurs s’invitent dans l’actualité politique : en octobre, une équipe espagnole déterminait, en analysant l’ADN mitochondrial de plusieurs individus, la région d’origine des Roms vivant en Espagne, à savoir le Nord-Ouest de l’Inde, que les premiers Roms auraient quitté il y a quinze siècles environ.

Bonne année (scientifique) 2014 !

Crédit photo : Di-Poï and Milinkovitch; EvoDevo. 2013;4:19 (CC BY 2.0) ; William Reynolds – Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0).